INTERNATIONAL - La guerre en Ukraine semble avoir trouvé un nouvel épicentre. Depuis la fin de l’accord sur les céréales décidée unilatéralement par la Russie lundi 17 juillet, les tensions se cristallisent autour de la mer Noire, où le corridor sécurisé qui avait été négocié un an plus tôt pour permettre les exportations est désormais bloqué par Moscou.
Le ministère russe de la Défense a en effet annoncé mercredi 19 juillet que dorénavant « tous les navires naviguant dans les eaux de la mer Noire à destination des ports ukrainiens seront considérés comme des bateaux transportant potentiellement des cargaisons militaires », et que « les pays du pavillon de ces navires seront considérés comme parties prenantes du conflit ».
Pour les États-Unis, cette annonce permettrait en réalité à Moscou d’élargir « son ciblage (...) pour inclure des attaques sur des bateaux civils » et ensuite « faire porter la responsabilité de ces attaques à l’Ukraine ». Ces accusations se fondent sur des éléments des renseignements qui viennent d’être déclassifiés, a précisé Adam Hodge, porte-parole du Conseil de sécurité national américain.
La Russie vise aussi les bateaux civils, selon les Américains
« Nos informations indiquent que la Russie a posé de nouvelles mines aux abords des ports ukrainiens », a encore déclaré Adam Hodge. « Nous pensons que cela fait partie d’un effort bien coordonné visant à justifier toute attaque contre des bateaux civils dans la mer Noire et faire porter la responsabilité de ces attaques à l’Ukraine », a-t-il indiqué.
En représailles, l’Ukraine a annoncé qu’elle considérera les navires en mer Noire allant vers la Russie comme potentiels « bateaux militaires ». Kiev aussi a demandé la mise en place de « patrouilles militaires » navales sous mandat de l’ONU et avec la participation notamment de la Turquie pour continuer à exporter via la mer Noire ces céréales, qui sont cruciales pour l’alimentation dans le monde.
Mais si 33 millions de tonnes de grains sont sorties d’Ukraine en un an grâce à l’accord, « il n’y a plus aucun armateur prêt à aller là-bas », a relevé Frédéric Denefle, directeur général du groupement Garex, spécialiste de l’assurance des risques liés aux conflits. Au vu du contexte, il a annoncé, comme d’autres assureurs, avoir mis fin à sa couverture des risques dans la zone.
60 000 tonnes de céréales détruites
« On a arrêté de couvrir les voyages » vers les trois ports du corridor, Odessa, Tchornomorsk et Yuzni, a-t-il déclaré à l’AFP. S’il est « difficile d’identifier ce que font les concurrents (...) il est certain que tous les marchés considèrent qu’il y a un danger supplémentaire et que maintenant que le corridor est suspendu, ce sera beaucoup plus difficile d’assurer », a-t-il ajouté.
Les navires ne sont pas les seuls visés par la Russie. Moscou a également mené d’importantes frappes dans la région d’Odessa, le grand port de la mer Noire, dans la nuit de mardi à mercredi. Selon Kiev, plus de 60 000 tonnes de céréales ont été détruites à Tchornomorsk, où « il faudra au moins un an pour réparer intégralement les infrastructures endommagées ».
L’attaque, menée avec des missiles de croisière et des drones explosifs de fabrication iranienne, a fait au moins 12 blessés, selon le gouverneur de la région d’Odessa Oleg Kiper. « Tout le monde est concerné par la terreur russe », a souligné le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son adresse quotidienne, appelant à « traduire en justice la Russie pour cette terreur ».
Le port d’Odessa ciblé par des frappes
De nouvelles frappes ont touché le port dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon le ministère chargé de la reconstruction de l’Ukraine, « les terminaux céréaliers et les infrastructures portuaires » des ports d’Odessa ainsi que de Tchornomorsk ont été attaqués, et « les silos et les quais du port d’Odessa » ont notamment été endommagés.
Dans le centre-ville, une personne est morte à la suite d’une frappe russe qui a causé « des destructions », a indiqué Oleg Kiper. Un autre civil est décédé et 20 personnes ont été blessées à Mykolaïv, à une centaine de kilomètres d’Odessa. « Au moins cinq immeubles résidentiels ont été endommagés », a précisé le maire Oleksandre Sienkevitch.
« Les forces armées russes ont poursuivi leurs frappes de représailles avec des armes aériennes et maritimes de précision contre des sites de production et de stockage de bateaux sans équipage dans la région d’Odessa », a pour sa part revendiqué le ministère russe de la Défense. « En outre, des infrastructures de carburant et des dépôts de munitions ont été détruits près de Mykolaïv ».
Conséquence de ces attaques et des menaces en mer Noire : la hausse des prix du blé de 8 % mercredi, à 253,75 euros la tonne sur le marché européen. Deux jours plus tôt, le marché ne croyait pas vraiment à « une histoire sérieuse » et avait à peine accusé le coup de la nouvelle de la fermeture, selon Andreï Sizov, du cabinet SovEcon, interrogé par l’AFP. Les attaques visant Odessa et Tchornomorsk ont changé la donne.
Pourquoi combien de temps ? Vladimir Poutine a assuré mercredi que la Russie était prête à revenir à l’accord si ses demandes étaient réalisées « dans leur totalité », accusant les Occidentaux de se servir de cette question comme outil de « chantage politique ». Mais pour Kiev, pas question de négocier avec Moscou, dont l’objectif est de « détruire » l’Ukraine.
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