Fin septembre, Steve Sosebee, fondateur et président de l’organisation Palestine Children’s Relief Fund, a reçu un courriel de remerciements en provenance de Gaza. Les médicaments et le système de production d’énergie solaire envoyés par son organisation à Yaser Al-Maqadma avaient permis d’améliorer la vie de son fils, Khalil, atteint d’une paralysie cérébrale. Le 15 décembre, le père a fait parvenir un autre message à Steve Sosebee. « Mon âme, mon petit, Khalil, est mort. Il nous a quittés. Il avait faim », a-t-il écrit.
Le père avait cherché les compléments alimentaires dont son fils avait besoin ; mais ils n’étaient plus disponibles dans la bande de Gaza, soumise à un siège israélien et sous les bombardements depuis près de deux mois et demi. « J’en ai trouvé un peu, mais pas assez. Il était trop tard », a-t-il conclu. Steve Sosebee, joint par Le Monde, est toujours en contact avec la famille, qui vit depuis quelques semaines à Khan Younès, dans le sud de l’enclave, après avoir fui la ville de Gaza sur ordre de l’armée israélienne.
Depuis des semaines, les organisations internationales multiplient les alertes, avec des superlatifs toujours plus alarmistes pour décrire le désastre humanitaire à Gaza, espérant qu’Israël assouplisse le siège. Désormais, la faim tenaille l’enclave. Aujourd’hui, 93 % des Gazaouis sont « en situation d’insécurité alimentaire aiguë », selon le dernier rapport du Programme alimentaire mondial publié jeudi 21 décembre. Environ la moitié de la population devrait se trouver dans la phase « d’urgence » – qui comprend une malnutrition aiguë très élevée et une surmortalité – d’ici au 7 février. Et « au moins une famille sur quatre », soit plus d’un demi-million de personnes, sera confrontée à la « phase 5 », c’est-à-dire à des conditions catastrophiques, soit « un manque extrême de nourriture, pouvant conduire à une situation de famine ».
Le sac de riz dix fois plus cher qu’avant la guerre
Adel Kaddum, le chef du bureau du Secours islamique France à Gaza, est aujourd’hui en sécurité en Egypte. Ce Palestinien de 61 ans est sorti de l’enclave le 7 décembre, grâce à son passeport américain. Le jour de son départ, le sac de 25 kg de riz se vendait 500 shekels (126 euros), dix fois plus cher qu’avant la guerre. Lui et sa femme jeûnaient pour s’assurer que leurs enfants aient assez à manger et à boire. « On était cinq adultes et mes trois enfants, mais on n’avait que six litres d’eau par jour pour nous tous, explique-t-il. Pour survivre, à la fin, alors qu’on ne trouvait plus de farine et de riz, on ne se nourrissait plus que de zaatar [un mélange d’origan, de sumac, de sésame et sel]. »
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