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Savon, protections menstruelles, couches : un tiers des Français rognent sur l'hygiène à cause de l'inflation

- Mis à jour le
Par
  • France Bleu

Avec l'inflation, les produits d'hygiène, de plus en plus chers, deviennent une variable d'ajustement pour de nombreuses familles. La précarité hygiénique et menstruelle ne cesse de progresser, alors que le prix de ces produits a augmenté de 10% en un an.

Le prix des protections menstruelles a augmenté de 10% en un an. Le prix des protections menstruelles a augmenté de 10% en un an.
Le prix des protections menstruelles a augmenté de 10% en un an. © Getty - zoranm

Utiliser de l'essuie-tout ou un gant de toilette à la place d'une serviette hygiénique, retarder au maximum le changement de couche de son bébé, ou se laver seulement à l'eau, sans savon ni shampooing. Voici quelques-unes des stratégies de remplacement adoptées par les familles qui n'arrivent plus à faire face au prix des produits d'hygiène, dans un contexte très inflationniste.

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Les articles du rayon hygiène, dans leur ensemble, ont augmenté de 8,6% en un an, selon les données recueillies par France Bleu en partenariat avec franceinfo et Nieslen IQ. Une inflation en deçà de l'inflation générale en supermarché, qui est de 13% en moyenne en mars. Malgré tout, certains produits comme les couches pour bébé et les protection menstruelles ont vu leurs prix augmenter de 10% en un an, grevant d'autant le budget de familles déjà sur le fil.

La précarité hygiénique ne concerne plus seulement les bénéficiaires d'associations

"La précarité hygiénique ne cesse de progresser", alerte Dominique Besançon, déléguée générale de l'association Dons solidaires, qui récolte des produits d'hygiène auprès des fabricants, pour les redistribuer aux associations de toute la France. En 2022, Dons solidaires a récolté 4,7 millions de produits, qui ont permis d'aider 800.000 personnes. D'après le baromètre sur l'hygiène et la précarité en France réalisé en mars dernier avec l'Ifop, un tiers des Français renoncent à l'achat de produits d'hygiène en raison de l'inflation.

Une situation qui s'est aggravée en l'espace de deux ans. "Le constat est vraiment très alarmant", souligne Dominique Besançon. Parce qu'il révèle que la précarité hygiénique n'est plus l'apanage des personnes les plus précaires, des bénéficiaires des associations. Elle s'immisce toujours plus dans les foyers français. Elle concerne les familles, les jeunes, les mamans", détaille-t-elle. "Elle concerne notamment les familles monoparentales, mais aussi toutes les personnes qui travaillent et qui sont sur le fil de la fragilité économique", alerte-t-elle.

De plus en plus de Français renoncent aux produits d'hygiène en raison de l'inflation.
De plus en plus de Français renoncent aux produits d'hygiène en raison de l'inflation. - Dons Solidaires

La précarité menstruelle ne cesse de progresser

Le prix des produits d'hygiène féminine a augmenté de 10% en un an. Concrètement, le prix moyen d'une boîte de tampons a augmenté de 30 centimes en un an, pour atteindre 3,18 euros. Celui d'une boite de serviettes a augmenté de 25 centimes en un an, pour atteindre 2,46 euros. Sachant qu'une femme consomme en moyenne 15 paquets de protection à usage unique par an, selon Dons solidaires, la facture grimpe vite. Ces hausses sont surtout dues à l'augmentation de la pâte à papier, tirée par le cours du bois, explique Emmanuel Fournet, directeur analytique chez NielsenIQ. Le processus de fabrication de ces produits, très complexe, est également très énergivore, et la hausse des coûts de l'énergie surenchérit les prix. "On est sur un budget relativement important, avec une fréquence d'achat importante et une inflation qui se fait nettement sentir", confirme Emmanuel Fournet.

Un tiers des femmes ont déjà manqué de serviettes ou de tampons faute de moyens

"On est face à un véritable problème sanitaire", alerte Dominique Besançon, "la précarité menstruelle gagne très clairement du terrain". Selon Dons solidaires, quatre millions de femmes, soit 31% des des Françaises, ont déjà manqué de protections périodiques faute de moyens. 2,8 millions de femmes sont confrontées régulièrement au problème, soit un million de plus qu'en 2021. Et plus d'un quart des femmes indiquent que le contexte économique les pousse à limiter leur consommation. "Les jeunes et les catégories pauvres sont en première ligne", explique Dominique Besançon.

"Certaines femmes nous disent 'Je me prive pour laisser plus de protections menstruelles à mes filles, je mets du papier toilette', expose-t-elle. "D'autres se dépannent avec du coton, de l'essuie-tout, ou un gant de toilette. C'est vraiment le système D", explique-t-elle. "En plus du problème sanitaire, c'est une réelle atteinte à l'estime de soi, à la dignité", s'alarme la responsable*, "qui peut se transformer en renoncement à sortir de chez soi, et devenir un vrai facteur d'exclusion sociale."*

Un tiers des femmes ont déjà manqué de protections menstruelles faute de moyens.
Un tiers des femmes ont déjà manqué de protections menstruelles faute de moyens. - Dons solidaires

Des couches pour bébé changées moins souvent, ou "bricolées"

Les couches pour bébé ont également augmenté de 10% en un an. Le prix moyen d'un paquet de couches a grimpé d'1,25 euros en un an, pour atteindre 13,65 euros, selon NielsenIQ. Une hausse liée, là aussi, à celle de la pâte à papier, et à une production très énergivore. "Etant donnée la fréquence d'achat des couches, ça pèse toujours très lourd sur le budget des parents", rappelle Emmanuel Fournet. Selon lui, même si les grandes surfaces multiplient les promotions, certains parents se tournent vers des couches moins chères des offres en ligne, avec des grosses quantités achetées à plus bas coût sur internet.

Le prix moyen d'un paquet de couches pour bébé a augmenté d'1,25 euros en un an.
Le prix moyen d'un paquet de couches pour bébé a augmenté d'1,25 euros en un an. © Radio France - Stéphanie Berlu

Autre conséquence, un tiers des parents de jeunes enfants disent limiter le nombre de couches de leurs enfants en raison de l'inflation, révèle le baromètre de Dons Solidaires. 17% ne changent pas les couches de leur enfant aussi souvent qu'ils le souhaitent. Et 13 % renoncent à l'achat de couches, faute de moyens. La même proportion utilise des couches "bricolées". Parmi ces familles qui utilisent le système D, 20 % ne sortent pas de chez elles pour éviter les fuites à l'extérieur de la maison.

"Ces enfants sont les victimes collatérales de ces renoncements, et quand ils sont amenés à rester chez eux, ils ne peuvent pas s'éveiller grâce aux sorties et au lien social, évidemment essentiels à l éveil des enfants", regrette Dominique Besançon.

de nombreux parents limitent les changes de leurs enfants, faute de moyens.
de nombreux parents limitent les changes de leurs enfants, faute de moyens. - Dons Solidaires

Les parents se privent pour leurs enfants

Loin de culpabiliser les parents, Dominique Besançon ajoute que la plupart font des arbitrages en faveur de leurs enfants. "Ce sont eux qui renoncent aux produits d'hygiène pour que leurs enfants puissent avoir un gel douche, un shampoing, un savon pour qu'ils ne soient pas moqués, qu'ils ne soient pas victimes d'exclusion sociale du fait de leur apparence", précise-t-elle.

Les cosmétiques, variable d'ajustement dans le budget

Crème hydratante, coloration pour cheveux, maquillage... "Très clairement, ces produits sont devenus la variable d'ajustement pour une majorité de Français, regrette Dominique Besançon. Près de quatre Françaises sur 10 disent renoncer à acheter du maquillage, contre 3 sur 10 il y a deux ans. Une sur cinq renonce aux soins hydratants, et un tiers des femmes ne se colorent plus les cheveux faute de moyens.

De plus en plus de Françaises renoncent aux produits cosmétiques.
De plus en plus de Françaises renoncent aux produits cosmétiques. - Dons solidaires

Ma France : Améliorer le logement des Français

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