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Autonomie de la Corse : un accord scelle la fin du processus de Beauvau

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La délégation d’élus insulaires et le ministre de l’Intérieur sont tombés d’accord sur une écriture constitutionnelle. Un texte qui prévoit notamment l’octroi d’un pouvoir règlementaire et législatif propre à l’assemblée de Corse. Les compétences concernées sont renvoyées à la loi organique.

La délégation d’élus insulaires et le ministre de l’Intérieur sont tombés d’accord sur une écriture constitutionnelle cette nuit. La délégation d’élus insulaires et le ministre de l’Intérieur sont tombés d’accord sur une écriture constitutionnelle cette nuit.
La délégation d’élus insulaires et le ministre de l’Intérieur sont tombés d’accord sur une écriture constitutionnelle cette nuit. © AFP - Julien De Rosa

Le gouvernement et des élus corses sont tombés d'accord cette nuit de lundi à mardi sur un projet d'"écriture constitutionnelle" prévoyant "la reconnaissance d'un statut d'autonomie" de l'île "au sein de la République", le fruit d'un consensus large mais pas sans réserves.

Ce projet d'accord vient parachever le "processus de Beauvau" et va désormais être transmis à l'Assemblée de Corse pour qu'elle le vote, a précisé Gérald Darmanin à l'issue d'une rencontre de près de cinq heures au ministère.
Le texte "respecte à la fois les lignes rouges fixées par le président de la République et moi-même, et également le temps imparti" par Emmanuel Macron.

Gérald Darmanin et les élus insulaires présents ont trouvé un accord sur le premier alinéa de cette "écriture".
"La présente écriture constitutionnelle prévoit la reconnaissance d'un statut d'autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre", dit ce premier alinéa. Ils sont aussi tombés d'accord sur le fait que "les lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptation" sur l'île, a ajouté le ministre.

"Un pas décisif"

Gilles Simeoni a estimé qu'un "pas décisif" avait été franchi à l'issue de cette réunion, se félicitant que "le principe d'un pouvoir de nature législative, soumis à un contrôle du Conseil constitutionnel, soit aujourd'hui clairement acté". "L'étendue et les modalités d'exercice de ce pouvoir législatif relèveront de la loi organique. Je dirais que ce soir nous sommes en demi-finale, reste à gagner la demi-finale, et la finale avec une loi organique qui reprend, complète et développe les grands principes qui ont vocation à être fixés dans la révision constitutionnelle" a-t-il déclaré.

"Un principe de norme législative reconnu à la collectivité de Corse a été acté. C'est quelque chose d'essentiel. Ça veut dire que le pouvoir législatif, qui pour nous est le corollaire de l'autonomie, est acté et caractérisé dans ce projet d'écriture constitutionnelle. En ce qui concerne "les modalités et mises en œuvre de ce pouvoir normatif de nature législative, ainsi que les domaines dans lesquels il aura à s'exercer, tout cela est renvoyé à la loi organique" reconnait le président de l’exécutif.

"C'est un travail d'une telle complexité, qu'il faut surmonter les obstacles juridiques, constitutionnels, politiques les uns après les autres. L'objectif hier était d'obtenir une écriture constitutionnelle qui permet d'aller vers un véritable statut d'autonomie qui en acte le principe, les éléments et attributs essentiels. C'est fait", s’est aussi félicité Gilles Simeoni avant de détailler, "il reste deux obstacles décisifs : un débat et un vote de l'assemblée de Corse puis il y aura à convaincre les députés et les sénateurs, ce qui est un travail considérable. Il faut blinder l'écriture de la loi organique. Tout ce travail qui nous attend est rendu possible par l'étape décisive qui a été franchie ce soir."

"Une étape décisive" également saluée à notre micro par Laurent Marcangeli, le député de Corse-du-Sud et patron du groupe Horizons à l’Assemblée Nationale, présent hier pour ce dernier dîner place Beauvau. L'élu de la majorité présidentielle s'est dit "satisfait". "C'est un acte tout sauf anodin, je ne sais pas si on arrive à se rendre compte de l'importance de la portée de ce qui est en train d'être fait", a insisté Laurent Marcangeli considérant qu'avec cet accord la Corse "bénéficie de la possibilité" d'avoir "une place à part dans la Constitution".

Il insiste également sur le fait qu'il reste encore des étapes à franchir pour arriver à cela, et notamment "le vote de l'assemblée de Corse". "Il y a eu des points de rapprochement et de désaccords, mais nous allons dans le bon sens", souligne-t-il, assurant tout de même avoir "bon espoir" quant à l'issue de ce vote.

"Tout est ramené à la loi organique"

"Ce n'est qu'une étape de franchie", a réagi à notre Paul-Félix Benedetti. Le leader du mouvement Core in Fronte explique que cet accord doit permettre "un véritable statut d'autonomie avec un transfert de pouvoir législatif, la reconnaissance des spécificités de la Corse en matière culturelle, historique et de droit à la terre".

Mais le chef de file du parti indépendantiste estime qu'il faut par ailleurs une "loi organique" afin de "définir les contours de ces transferts de compétences". "Si on se laisse aller à un satisfecit béat, on peut se retrouver avec rien du tout car tout est ramené à la loi organique", ajoute-t-il. Le président de Core in Fronte admet être donc dans "l'attente du reste à venir". "Aujourd'hui, il faut continuer à pousser et réaffirmer notre volonté, surtout nous les indépendantistes qui considérons que c'est une petite étape", plaide-t-il.

"Le processus politique débute à peine"

"La parole du gouvernement a été engagée et a été respectée", a par ailleurs salué ce mardi chez nos confrères de France info Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu à l’assemblée de Corse. L'élu a insisté sur "le courage et l'intelligence qui ont prévalu tout au long des débats" pour arriver à ce qu'il qualifie de "texte équilibré". Pour Jean-Christophe Angelini, cet accord obtenu entre l'exécutif et la délégation d'élus corses représente "un pas significatif dans notre marche vers l'autonomie"."C'est un moment décisif","important, solennel", ajoute-t-il.

Le président d'Avanzemu estime que "jamais on n'est allé aussi loin en cinquante années de difficultés et de conflits entre la Corse et l'État dans la rédaction d'un texte commun et l'affirmation d'une révision constitutionnelle de l'existence d'un peuple, d'une langue, de droits collectifs".

Jean-Christophe Angelini reconnaît qu'il a encore des "réserves assez limitées" après cet accord. Il explique notamment qu'il aurait préféré "que les compétences dont nous souhaitons le transfert soient actées dans la révision constitutionnelle", "qu'on parle d'un peuple plutôt qu'une communauté" ou encore "que la collectivité soit en mesure de légiférer et de réglementer" notamment sur les sujets de santé ou d'éducation.

Mais l’élu autonomiste se dit "globalement satisfait". "Des réserves et des nuances ont été exprimées, mais le consensus est extrêmement puissant", soutient le président d’Avanzemu. Il rappelle que cet accord ne vient pas marquer un aboutissement et que le "processus politique débute à peine", notamment pour "engager les révisions qui rendent les choses irréversibles".

"Il y a eu des avancées, mais il reste des réserves"

"Je reste déterminé à penser que l'octroi du pouvoir législatif est un problème, mais je ne vais pas endosser le rôle du bourreau du processus", a réagi le chef de file de l'opposition de droite, Jean-Martin Mondoloni, laissant planer le doute sur son soutien au texte.

Sur la même ligne, le sénateur de Corse-du-Sud, Jean-Jacques Panunzi, a répété être "farouchement opposé au pouvoir législatif" qui serait attribué à la collectivité, bien que d'autres veuillent "aller beaucoup plus loin". Le président du Sénat, Gérard Larcher, et du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, sont "eux aussi farouchement opposés au pouvoir législatif", et la "loi reste et doit rester au Parlement" a-t-il affirmé.

"Gérald Darmanin a assuré que ce texte ne prévoyait en aucun cas qu'il y ait en Corse "deux catégories de citoyens". "Nous avons avancé vers l'autonomie" et "il n'y a pas de séparation de la Corse avec la République" notamment puisqu'on "n'évoque ni le peuple, ni le statut de résident, ni la co-officialité de la langue", a résumé le ministre.

"L'écriture constitutionnelle prévoit enfin que les électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse soient consultés sur ce projet". Après consultation de l'Assemblée de Corse, "le président de la République engagera, quand il voudra, la réforme constitutionnelle", a poursuivi Gérald Darmanin, en rappelant que le texte devra être voté par les deux chambres du Parlement dans les mêmes termes, puis adopté par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes.

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