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Libération
Reportage

Agression de Samara à Montpellier : les réseaux sociaux mis en cause dans un collège réputé «calme»

Quelques jours après les faits, le mobile du tabassage de l’adolescente de 13 ans demeure flou, tandis que sa mère pointe du doigt la passivité du personnel du collège où elle était scolarisée.
par Solange de Fréminville, correspondance à Montpellier
publié le 5 avril 2024 à 7h53

Tout serait parti d’un faux compte créé sur Snapchat. Une embrouille comme il y en a tant sur les réseaux sociaux. C’est ce qui ressort des témoignages des élèves du collège Arthur Rimbaud, à Montpellier (Hérault), recueillis devant l’établissement. Plusieurs connaissaient la victime, Samara, 13 ans, et l’un de ses agresseurs, F., une adolescente du même âge. Des photos d’élèves auraient été publiées sur ce faux compte. Et c’est Samara qui aurait été accusée d’avoir tout manigancé. A tort, dit notamment Bouchra, 14 ans, selon laquelle «Samara est harcelée depuis longtemps», confirmant les déclarations de sa famille. Ainsi, sans que rien ne vienne confirmer ces affirmations, il aurait couru à son sujet des rumeurs délétères, sur la base de photomontages à caractère sexuel sur des faux comptes, ayant mis à mal la réputation de l’adolescente. Une nouvelle affaire de cyberharcèlement, selon toute probabilité, mais seule l’enquête judiciaire en cours pourra apporter des éclaircissements et la confirmer ou non.

Tabassage et menaces de viol

Toujours est-il que le 2 avril, à la sortie d’Arthur Rimbaud, à 16 heures, la jeune fille aurait été entraînée à l’extérieur du collège par F., à environ 200 mètres de là, près d’une salle de fitness. C’est là que Samara aurait été violemment tabassée par deux garçons de 14 et 15 ans venant d’autres établissements scolaires, en contact avec F. via les réseaux sociaux. Blessée gravement à la tête et transportée en urgence au CHU, elle est sortie du coma le 3 avril et devait être entendue par la justice ce jeudi 4 avril. Pendant ce temps, trois mineurs ont été placés en garde à vue pour «tentative de meurtre sur mineur», dont F. Ils ont tous les trois «admis avoir porté des coups», a indiqué vendredi le parquet, qui a requis le placement en détention provisoire du plus âgé, un adolescent de 15 ans.

Sur F., des bruits contradictoires circulent. Seule certitude, à la suite d’une première altercation qui a eu des répercussions au sein du collège, elle a été exclue deux jours de l’établissement en mai 2023, puis de nouveau le mois suivant, d’après le rectorat de Montpellier, mais sans que le motif de ces sanctions n’ait été révélé. La mère de Samara a par ailleurs indiqué qu’il y aurait eu un appel au viol contre sa fille sur les réseaux sociaux l’an dernier. Mais ces faits n’ont été aucunement reliés.

L’autre affirmation de la mère de Samara relayée par les médias, c’est que sa fille aurait été montrée du doigt et agressée parce qu’elle ne portait pas le voile. Faux, selon des témoignages concordants d’élèves d’Arthur Rimbaud, selon lesquels seules les photos publiées sur les réseaux sociaux, que certains d’entre eux disent avoir vues, seraient à l’origine de l’affaire. Deux versions différentes, que l’enquête judiciaire devrait tenter de démêler.

«C’est la première fois qu’il y a des violences»

Quant au personnel du collège de 836 élèves, classé en Réseau d’éducation prioritaire (REP +) et situé dans le quartier populaire de La Mosson-La Paillade, il s’est trouvé mis en cause pour n’avoir pas protégé la victime. Le professeur principal de la classe de Samara aurait pourtant averti le jour même sa mère que la jeune fille était menacée et qu’il fallait venir la chercher à la sortie de l’établissement, à 16 heures. La mère de Samara aurait ensuite appelé à deux reprises la vie scolaire, demandant que sa fille reste dans le collège jusqu’à son arrivée. Mais, par erreur, la consigne n’aurait pas été transmise au surveillant posté près du portail. Le rectorat n’a pas confirmé officiellement ce récit, la principale source étant de nouveau la mère de la victime relayée par les médias.

«Dans ce collège, il n’y a jamais eu de problèmes», assure Syrine, 20 ans, étudiante en pharmacie, venue chercher sa petite sœur, en 6e, et qui a elle-même été élève de ce collège, tout comme ses frères. «C’est la première fois qu’il y a des violences», assure-t-elle, de même que Fatiha, 47 ans, qui, assise dans sa voiture, attend son fils, en 5e. D’après un autre parent d’élève, par ailleurs auxiliaire de vie sociale auprès d’enfants handicapés dans l’établissement, qui n’a pas voulu donner son nom, «c’est un collège calme, avec une bonne équipe». «Nous sommes sous le choc», dit-elle, «et démunis».

La cellule d’écoute psychologique, mise en place mercredi 3 avril par le rectorat de Montpellier, aurait déjà accueilli quelques dizaines d’élèves et d’enseignants éprouvés. Le ministère de l’Education nationale a annoncé une mission d’inspection générale au collège, à compter de ce vendredi 5 avril. Elle est chargée de remettre un rapport sous huit jours à la ministre.

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